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femmes ! ma maison est remplie de revenants et de cadavres ; et je puis dire pourtant que personne n’aime moins que moi une telle compagnie. Mais doña Antonia a besoin de vous, Flora ; suivez votre chemin et laissez-moi continuer le mien. »

À ces mots, elle courut à la porte de la rue, qu’elle ouvrit ; et sans se donner le temps de mettre son voile, elle se rendit en toute diligence au couvent des Capucins. Pendant ce temps, Flora, surprise et alarmée de la consternation de Jacinthe, s’était empressée d’entrer chez sa maîtresse. Elle la trouva étendue sur le lit, sans mouvement ; elle usa, pour la ranimer, des mêmes moyens qu’avait déjà employés Jacinthe ; mais voyant qu’Antonia ne revenait d’un accès que pour tomber dans un autre, elle envoya vite chercher un médecin. En attendant qu’il vînt, elle la déshabilla et la mit au lit.

Sans faire attention à l’orage, éperdue de frayeur, Jacinthe courait dans les rues, et ne s’arrêta que devant la porte du couvent ; elle carillonna de toutes ses forces, et dès que le portier parut, elle demanda à parler au supérieur. Ambrosio était à conférer avec Mathilde sur le moyen de se procurer accès auprès d’Antonia. La cause de la mort d’Elvire restant inconnue, il était convaincu que les crimes ne sont pas aussi promptement suivis du châtiment que les moines ses maîtres le lui avaient enseigné et que jusqu’alors il l’avait cru lui-même. Cette persuasion lui fit résoudre la perte d’Antonia, pour qui les dangers et les difficultés ne faisaient qu’accroître sa passion. Le prieur avait déjà fait une tentative pour être admis près d’elle ; mais Flora l’avait refusé de manière à lui prouver que tous ses efforts futurs seraient inutiles. Elvire avait confié ses soupçons à cette fidèle domestique : elle lui avait recommandé de ne jamais laisser