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La figure désigna la terre d’une main, et de l’autre leva le linge qui couvrait sa tête.

« Dieu tout-puissant ! ma mère ! »

Antonia poussa un cri et tomba sans vie sur le plancher.

Dame Jacinthe, qui travaillait dans une chambre voisine, entendit ce cri ; Flora venait de descendre chercher de l’huile pour en remettre dans la lampe qui les éclairait ; Jacinthe courut donc seule au secours d’Antonia, et grande fut sa surprise de la trouver étendue sur le plancher. Elle la prit, l’emporta dans sa chambre et la plaça sur le lit, toujours sans connaissance ; alors elle lui baigna les tempes, lui frotta les mains, et employa tous les moyens possibles pour la faire revenir. Elle y réussit avec peine. Antonia ouvrit les yeux et regarda autour d’elle d’un air égaré.

« Où est-elle ? » cria-t-elle d’une voix tremblante : « est-elle partie ? suis-je en sûreté ? parlez-moi ! tranquillisez-moi ! oh ! parlez-moi, pour l’amour de Dieu ! »

« En sûreté ! contre qui, mon enfant ? » répondit Jacinthe étonnée ; « que craignez-vous ? de qui avez-vous peur ? »

« Dans trois jours ! elle m’a dit que nous nous reverrions dans trois jours ! je le lui ai entendu dire ! je l’ai vue, Jacinthe, je l’ai vue il n’y a qu’un instant ! »

Elle se jeta dans les bras de Jacinthe.

« Vous l’avez vue ? — vu, qui ? »

« L’ombre de ma mère ! »

« Jésus-Christ ! » cria Jacinthe ; et s’éloignant précipitamment du lit, elle laissa Antonia retomber sur l’oreiller et s’enfuit consternée hors de la chambre.

Comme elle descendait en toute hâte, elle rencontra Flora qui remontait.

« Allez près de votre maîtresse, » dit-elle ; « il se passe de belles choses ! Oh ! je suis la plus infortunée des