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qu’un parlait bas ; la frayeur d’Antonia s’accrut : cependant elle savait le verrou mis, et cette pensée la rassura un peu. Bientôt le loquet fut levé doucement, et la porte fut poussée avec précaution en arrière et en avant. L’excès de la terreur rendit à Antonia la force qui lui manquait ; elle quitta vite sa place et se dirigea vers la porte du cabinet d’où elle pouvait gagner promptement la pièce où elle s’attendait à trouver Flora et dame Jacinthe ; mais à peine avait-elle atteint le milieu de la chambre que le loquet fut levé une seconde fois. Un mouvement involontaire lui fit tourner la tête : lentement et par degrés la porte tourna sur ses gonds, et debout, sur le seuil, elle vit une grande figure maigre, enveloppée dans un blanc linceul qui la couvrait de la tête aux pieds.

Cette vision enchaîna ses pas ; elle resta comme pétrifiée au milieu de la chambre. L’étrangère, à pas mesurés et solennels, s’approcha de la table ; le flambeau mourant jetait sur elle une flamme bleue et mélancolique. Au-dessus de la table était accrochée une petite pendule ; l’aiguille marquait trois heures : la figure s’arrêta en face de la pendule ; elle leva le bras droit, montra l’heure, en fixant les yeux sur Antonia qui, immobile et silencieuse, attendait la fin de cette scène.

La figure resta quelques instants dans cette posture. La pendule sonna ; quand le son eut cessé, l’étrangère fit quelques pas de plus vers Antonia.

« Encore trois jours, » dit une voix faible, creuse et sépulcrale ; « encore trois jours, et nous nous reverrons. »

Antonia frémit à ces paroles.

« Nous nous reverrons ! » dit-elle enfin avec difficulté ; « où nous reverrons-nous ? qui reverrai-je ? »