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qu’elle y trouverait peut-être un livre qui l’amuserait jusqu’à l’arrivée de Léonella. Elle prit donc son flambeau sur la table, traversa le petit cabinet et entra dans la pièce voisine. La vue de cette chambre lui rappela mille idées pénibles : c’était la première fois qu’elle y entrait depuis la mort de sa mère ; le silence absolu qui y régnait, le lit dégarni de son coucher, le foyer triste où était une lampe éteinte, et sur la fenêtre quelques plantes qui se mouraient, négligées depuis la perte d’Elvire, pénétrèrent Antonia d’un respect mélancolique : l’obscurité de la nuit favorisait cette sensation. Elle posa sa lampe sur la table et se laissa tomber dans un grand fauteuil où elle avait vu sa mère assise mille et mille fois : elle ne devait plus l’y revoir : des pleurs coulèrent malgré elle sur sa joue, et elle s’abandonna à une tristesse que chaque instant rendait plus profonde.

Honteuse de sa faiblesse, elle se releva enfin et se mit à chercher ce qui l’avait amenée dans ce lieu attristant. La petite collection de livres était rangée sur plusieurs tablettes ; Antonia les examina sans rien trouver qui parût devoir l’intéresser, jusqu’à ce qu’elle mît la main sur un volume de vieilles ballades espagnoles. Ayant vu quelques stances qui excitèrent sa curiosité, elle prit le livre et s’assit pour être plus commodément ; elle moucha la bougie qui tirait à sa fin, et lut la ballade suivante.

ALONZO LE BRAVE ET LA BELLE IMOGINE.

C’était un guerrier si hardi, c’était une vierge si brillante qui causaient assis sur le gazon ; ils se regardaient l’un l’autre dans une tendre extase. Alonzo le brave était le nom du chevalier, celui de la jeune fille était la belle Imogine.

« Hélas ! » disait le jeune homme, « demain je pars pour la guerre, dans une terre lointaine, et vos pleurs de mon absence