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parente ; elle ne pouvait s’empêcher de croire qu’il était fort peu convenable pour une jeune fille de vivre parmi des étrangers, sans avoir personne pour régler sa conduite ou pour se défendre des insultes auxquelles son isolement l’exposait. Elle attendit donc avec impatience le mardi soir.

Il arriva. Antonia écoutait avec anxiété les voitures qui passaient dans la rue : pas une ne s’arrêtait ; il se faisait tard et Léonella ne paraissait pas. Antonia résolut de ne point se coucher que sa tante ne fût arrivée ; et en dépit de toutes ses remontrances, dame Jacinthe et Flora s’obstinèrent à faire comme elle. Les heures s’écoulèrent lentement et péniblement. Le départ de Lorenzo pour Madrid avait mis fin aux sérénades nocturnes, et c’est en vain qu’elle espérait entendre sous sa fenêtre le son accoutumé des guitares : elle prit la sienne et frappa quelques accords ; mais la musique, ce soir-là, avait perdu ses charmes pour elle, et bientôt elle remit l’instrument dans la boîte. Elle s’assit à son métier à broder ; mais tout allait de travers : il lui manquait des nuances ; sa soie cassait à tout moment, et les aiguilles étaient si adroites à lui échapper qu’elles semblaient animées. Enfin, une goutte de bougie tomba du flambeau qu’elle avait près d’elle sur une guirlande favorite de violettes : cet accident la découragea tout à fait ; elle jeta son aiguille et quitta le métier. Il était écrit que ce soir-là rien n’aurait le pouvoir de la distraire : elle était en proie à l’ennui, et s’occupa à faire des vœux inutiles pour l’arrivée de sa tante.

Comme elle allait et venait nonchalamment dans la chambre, ses yeux tombèrent sur la porte qui conduisait à la chambre qu’avait occupée sa mère : elle se souvint que la petite bibliothèque d’Elvire était là, et pensa