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diment et sans frissonner les suites terribles de mon action ; en me sacrifiant, je ne croirai pas acheter trop cher votre possession, et je me souviendrai qu’un instant passé entre vos bras dans ce monde peut bien compenser un siècle de punition dans l’autre. Mais avant que je prenne ce parti, Ambrosio, prêtez-moi le serment solennel de ne jamais chercher à connaître les moyens auxquels j’aurai recours pour me sauver. »

Il se lia par le vœu le plus formel.

« Je vous remercie, mon bien-aimé. Cette précaution est nécessaire ; car, sans le savoir, vous êtes sous le joug des préjugés vulgaires. L’œuvre dont j’ai à m’occuper cette nuit pourrait vous surprendre par son étrangeté, et me rabaisser dans votre opinion. Dites-moi, avez-vous la clef de la petite porte du jardin, de celle qui regarde le couchant ? »

« La porte qui donne sur le lieu de sépulture qui nous est commun avec les sœurs de Sainte-Claire ? Je n’en ai pas la clef, mais il m’est facile de me la procurer. »

« Tout ce que vous avez à faire, c’est de m’introduire dans le cimetière à minuit ; de veiller tandis que je descendrai dans les caveaux de Sainte-Claire, de peur que quelque œil curieux n’observe mes actions ; de m’y laisser seule une heure, et je réponds de cette vie que je consacre à vos plaisirs. Pour prévenir tout soupçon, ne venez pas me voir pendant le jour. Souvenez-vous de la clef, et que je vous attends avant minuit. Écoutez ! j’entends des pas qui s’approchent ! laissez-moi ; je vais faire semblant de dormir. »

Le moine obéit, et quitta la cellule ; il ouvrait la porte lorsque le père Pablos parut.

« Je viens, » dit celui-ci, « savoir des nouvelles de mon jeune malade. »