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le cœur ; involontairement il leva sa tête de l’oreiller.

« Mathilde ! » dit-il d’une voix troublée, « oh ! ma Mathilde ! »

À cette voix, elle tressaillit et se tourna vers lui. La soudaineté de son mouvement fit tomber son capuchon en arrière, et son visage se découvrit aux yeux avides du moine. Comme il fut stupéfait de voir l’exacte ressemblance de sa madone adorée ! la même exquise proportion de traits, la même profusion de cheveux dorés, les mêmes lèvres de rose, les mêmes yeux célestes, la même majesté de maintien ! Poussant une exclamation de surprise, il retomba sur son oreiller, incertain s’il avait devant lui une mortelle ou une divinité.

Mathilde semblait pénétrée de confusion. Elle restait immobile à sa place, et appuyée sur son instrument. Ses yeux étaient baissés vers la terre, et ses belles joues couvertes de rougeur. En revenant à elle, son premier mouvement fut de cacher ses traits ; puis, d’une voix chancelante et troublée, elle s’aventura à adresser au moine ces mots :

« Le hasard vous a rendu maître d’un secret que je n’aurais jamais révélé que sur mon lit de mort. Oui, Ambrosio, dans Mathilde de Villanegas vous voyez l’original de votre bien-aimée madone. Peu après que cette malheureuse passion eut pris naissance dans mon cœur, je formai le dessein de vous faire parvenir mon portrait. Le nombre de mes admirateurs m’avait persuadé que je possédais quelque beauté, et je brûlais de savoir l’effet qu’elle produirait sur vous. Je me fis peindre par Martin Galuppi, un Vénitien célèbre qui, à cette époque, résidait à Madrid. La ressemblance fut frappante ; j’envoyai le portrait au couvent des capucins comme s’il était à vendre, et le juif qui l’apporta était un de mes émissaires. Vous en