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une mélancolie pleine de charme se répandit dans son âme. Soudain Mathilde changea de mouvement : d’une main hardie et rapide, elle frappa quelques accords bruyants et belliqueux, puis elle chanta la ballade suivante, sur un air à la fois simple et mélodieux.

DURANDARTE ET BÉLERMA.

Triste et terrible est l’histoire de la bataille de Roncevaux ; dans ces funestes champs de gloire périt plus d’un vaillant chevalier.

Là tomba Durandarte : jamais vers ne nomma un chef plus noble. Avant que le silence fermât pour toujours ses lèvres, il s’écria :

« Oh ! Bélerma, ô mon adorée ; née pour ma peine et mon plaisir, sept longues années je t’ai servie, ô belle, sept longues années mon salaire fut le dédain.

« Et maintenant que ton cœur, répondant à mes vœux, brûle comme le mien, le destin cruel, me refusant le bonheur, m’ordonne d’abjurer tout espoir.

« Ah ! bien que je périsse jeune, crois-moi, la mort n’obtiendrait pas un soupir. C’est te perdre, c’est te quitter, qui me rend si dure la pensée de mourir !

« Oh ! mon cousin, Montésinos, par cette amitié durable et tendre qui, depuis l’enfance, a subsisté entre nous, écoute maintenant ma dernière prière :

« Lorsque mon âme, abandonnant ses membres, cherchera avidement un air plus pur, prends mon cœur froid dans ma poitrine, et donne-le en garde à Bélerma.

« Dis-lui que de mon souffle expirant je l’ai nommée maîtresse de mes domaines ;

« Dis-lui que j’ai ouvert mes lèvres pour la bénir, avant que la mort les fermât à jamais ;

« Dis-lui aussi, cousin, quel culte sincère je lui rendais deux fois la semaine ; pour quelqu’un qui l’aima tendrement, cousin, dis-lui de prier deux fois la semaine.

« Montésinos, voici que l’heure approche marquée par le