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La douleur de sa blessure devint si vive, qu’il ne put la supporter : ses sens l’abandonnèrent, et il tomba inanimé dans les bras de Mathilde.

Le désespoir de celle-ci ne pourrait se décrire. Elle s’arrachait les cheveux, elle se frappait le sein, et, n’osant pas quitter Ambrosio, elle appelait à grands cris les moines à son secours. À la fin elle réussit. Alarmés de ses cris, plusieurs frères accoururent, et le supérieur fut rapporté au couvent. On le mit au lit, et le moine qui faisait l’office de chirurgien de la communauté se mit en devoir d’examiner la blessure. La main d’Ambrosio, cependant, avait enflé d’une manière extraordinaire ; les remèdes qui lui avaient été administrés lui avaient rendu la vie, il est vrai, mais non la connaissance : il était en proie à toutes les horreurs du délire. Sa bouche écumait, et quatre moines, des plus forts, suffisaient à peine à le retenir dans son lit.

Le père Pablos (c’était le nom du chirurgien) se hâta d’examiner la main blessée. Les moines entouraient le lit, attendant sa décision avec anxiété ; parmi eux le faux Rosario ne paraissait pas le moins touché de ce malheur : il contemplait le malade avec une angoisse inexprimable, et les gémissements qui, à tout moment, s’échappaient de son sein, trahissaient assez la violence de son affliction.

Le père Pablos sonda la blessure. Lorsqu’il retira sa lancette, la pointe en était teinte d’une couleur verdâtre, il secoua tristement la tête, et quitta le chevet du lit.

« C’est ce que je craignais, » dit-il ; « il n’y a pas d’espoir. »

« Pas d’espoir, dites-vous ! » s’écrièrent les moines tout d’une voix ; « pas d’espoir ! »

« À la soudaineté de l’effet, je soupçonnais que le