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de ce serment ? Songez au danger d’être découverte, à l’opprobre où me plongerait un tel événement ; songez que mon honneur et ma réputation sont en jeu, et que la paix de mon âme dépend de votre consentement. Jusqu’ici mon cœur est libre, je me séparerai de vous avec regret, mais non avec désespoir ; restez, et peu de semaines suffiront pour sacrifier mon bonheur à vos charmes. Vous êtes trop attrayante, trop séduisante ! je vous aimerais, je vous adorerais ; mon sein deviendrait la proie des désirs que l’honneur et ma profession m’interdisent d’écouter. Si je leur résistais, l’impétuosité de ces désirs non assouvis m’entraînerait à la folie ; si je cédais à la tentation, j’immolerais à un instant de plaisirs criminels ma réputation dans ce monde et mon salut dans l’autre. C’est vous vers qui j’accours pour me défendre contre moi-même ; empêchez-moi de perdre le prix de trente années de souffrances ! empêchez-moi de devenir la victime du remords ! Votre cœur a déjà éprouvé l’angoisse d’un amour sans espoir ; oh ! si réellement je vous suis cher, épargnez au mien cette angoisse ! Rendez-moi ma promesse ! Fuyez ces murs ; partez, et vous emporterez mes plus ferventes prières pour votre bonheur, mon amitié, mon estime et mon admiration ; restez, et vous devenez pour moi la source du danger, des souffrances, du désespoir. Répondez-moi, Mathilde, quelle est votre décision ? » Elle se taisait. « Ne parlerez-vous pas, Mathilde ? ne me direz-vous pas quel est votre choix ? »

« Cruel ! cruel ! » s’écria-t-elle en se tordant les mains de douleur ; « vous savez trop bien que vous ne me laissez pas le choix ; vous savez trop bien que je n’ai pas d’autre volonté que la vôtre ! »

« Je ne m’étais donc pas trompé ; la générosité de Mathilde égale mon attente. »