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dans la cathédrale des Capucins. Oh ! sûrement, ce jour là, mon ange gardien sommeilla, négligeant sa tâche. Ce fut alors que je vous vis pour la première fois : vous remplaciez le supérieur, qui était malade. Vous n’avez pu oublier le vif enthousiasme qu’excita votre sermon. Oh ! comme j’étais attentive à vos paroles ! comme votre éloquence m’enlevait à la terre ! j’osais à peine respirer, craignant de perdre une syllabe ; et tandis que vous parliez, il me semblait qu’une auréole de gloire luisait autour de votre tête, et que votre visage resplendissait de la majesté d’un dieu. Je sortis de l’église, brillante d’admiration. À dater de cet instant, vous devîntes l’idole de mon cœur, l’objet incessant de mes méditations. Je pris des informations sur vous ; les récits qu’on me fit de votre genre de vie, de votre savoir, de votre piété, de votre abnégation, rivèrent les chaînes dont m’avait chargée votre éloquence. Je sentais qu’il n’existait plus désormais de vide dans mon cœur, que j’avais enfin trouvé l’homme que je cherchais. Dans l’espérance de vous entendre encore, chaque jour je visitais la cathédrale ; vous restiez renfermé dans les murs du couvent, et toujours je me retirais triste et désappointée. La nuit m’était plus propice, car alors vous m’apparaissiez dans mes rêves ; vous me juriez une éternelle amitié ; vous me guidiez dans les voies de la vertu, et vous m’aidiez à supporter les tourments de la vie. Mais le matin chassait ces douces visions ; je m’éveillais et me retrouvais séparée de vous par des barrières qui semblaient insurmontables. Le temps ne fit qu’accroître la force de ma passion : je devins triste et découragée ; j’évitai la société, et ma santé déclina de jour en jour. Enfin, incapable d’exister plus longtemps dans cet état de torture, je me décidai à prendre le déguisement sous lequel vous me voyez. Mon artifice a