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rassent à autre chose qu’au désordre ; qu’il était toujours dupe, celui qui se fiait à l’amour ou à l’amitié ; et, dégoûté des hommes, je suis venu finir ici ma vie.

Dans cette caverne isolée, sous d’humbles vêtements, également ennemi de la folie bruyante et de la mélancolie, à l’œil sombre et baissé, j’use mon existence, et consume le jour dans mes pieux devoirs.

Ce roc m’abrite quand la tempête souffle ; le ruisseau limpide qui coule ici près fournit à ma boisson ; la terre me procure de simples aliments ; mais peu d’hommes connaissent le calme dont je jouis dans cet âpre désert.

Le contentement que je goûte me rend plus heureux dans cette grotte que je ne le fus jamais dans un palais : toutes mes pensées prennent leur essor vers Dieu ; et, soir et matin, d’une voix suppliante, je soupire ce vœu :

« Permets, ô Seigneur ! que je sorte de la vie sans ressentir le feu d’aucun péché mondain, les battements de cœur du remords, ni le désir dissolu ; et quand je mourrai, laisse-moi expirer dans cette croyance : Je vole à Dieu ! »

Étranger, si, plein de jeunesse et de désordre, aucun chagrin encore n’a corrompu ton repos, tu jettes peut-être un œil de dédain sur la prière de l’ermite : mais si une faute, ou un souci te fait soupirer ;

St tu as connu les tourments de l’amour trompé, ou que tu aies été exilé de ton pays, ou qu’un crime tienne ton âme en effroi, et te fasse languir ; oh ! combien tu dois déplorer ta condition et envier la mienne !

« S’il était possible à l’homme, » dit le moine, « de se renfermer tellement en lui-même qu’il pût vivre dans un isolement absolu de la nature humaine, et néanmoins éprouver la satisfaction paisible que ces vers expriment, ce serait, j’en conviens, un état plus désirable que de rester dans un monde si fécond en vices et en désordres de toute espèce. Mais c’est là une supposition qui ne se réalisera jamais. Cette inscription n’a été placée ici que pour l’ornement de la grotte, et les sentiments et l’ermite