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Des fontaines jaillissant de bassins de marbre blanc rafraîchissaient l’air d’une perpétuelle rosée, et les murs étaient tapissés de jasmins, de vignes et de chèvrefeuilles. L’heure ajoutait en ce moment à la beauté du spectacle : la pleine lune, voguant dans un ciel bleu et sans nuages, versait sur les arbres une lueur tremblante, et les eaux des fontaines étincelaient sous ses rayons d’argent ; une brise légère soufflait sur les allées le parfum des orangers en fleurs, et le rossignol épanchait son mélodieux murmure du fond d’un désert artificiel. C’est là que le prieur porta ses pas.

Au sein de ce petit bois s’élevait une grotte rustique faite à l’imitation d’un ermitage. Les murs étaient construits de racines d’arbres, et les interstices remplis de mousse et de lierre ; des bancs de gazon étaient placés de chaque côté, et une cascade naturelle tombait du rocher situé au-dessus. Enseveli dans ses pensées, le moine approcha de ce lieu ; le calme universel s’était communiqué à son âme, et une tranquillité voluptueuse y répandait sa langueur.

Il avait atteint l’ermitage et il y entrait pour se reposer, lorsqu’il s’arrêta en le voyant déjà occupé. — Un homme était étendu sur un des bancs, dans une posture mélancolique. Sa tête était appuyée sur son bras, et il paraissait plongé dans la méditation. Le moine s’avança et reconnut Rosario ; il le contempla en silence et sans entrer. Au bout de quelques minutes, le jeune homme leva ses yeux et les fixa tristement sur la muraille opposée.

« Oui, » dit-il avec un soupir profond et plaintif, « je sens tout le bonheur de ta situation, toute la misère de la mienne ! Que je serais heureux si je pouvais penser comme toi, si je pouvais voir comme toi les hommes avec