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son couvent, et à la connaissance d’Ambrosio, de l’idole de Madrid, de l’homme à qui elle avait le plus à cœur de donner une opinion favorable de la régularité, de l’austérité de sa maison ! aucune parole ne suffisait à exprimer sa fureur ; elle se taisait, et lançait sur la nonne étendue à terre des regards menaçants et pleins de malignité.

« Qu’on l’emporte au couvent ! » dit-elle enfin à quelques unes de ses religieuses.

Deux des plus vieilles s’approchant d’Agnès, la relevèrent de force, et se disposèrent à l’emmener hors de la chapelle.

« Quoi ! » s’écria-t-elle soudain en s’arrachant de leurs mains, avec des gestes de démence, « tout espoir est-il donc perdu ? me conduisez-vous déjà au supplice ! Où es-tu, Raymond ? Oh ! sauve-moi ! sauve-moi ! » Puis, jetant sur le prieur un regard frénétiques « Écoutez-moi ! » poursuivit-elle, « homme au cœur dur ! écoutez-moi, orgueilleux, impitoyable, cruel ! vous auriez pu me sauver, vous auriez pu me rendre au bonheur et à la vertu, mais vous ne l’avez pas voulu ; vous êtes le destructeur de mon âme, vous êtes mon assassin, et sur vous tombe la malédiction de ma mort et de celle de mon enfant à naître ! Fier de votre vertu encore inébranlée, vous avez dédaigné les prières du repentir ; mais Dieu sera miséricordieux, si vous ne l’êtes pas. Et où est le mérite de votre vertu si vantée ? Quelles tentations avez-vous vaincues ? Lâche ! vous avez fui la séduction, vous ne l’avez pas combattue. Mais le jour de l’épreuve arrivera : oh ! alors, quand vous céderez à la violence des passions, quand vous sentirez que l’homme est faible, et sujet à errer ; lorsque, en frissonnant, vous jetterez l’œil en arrière sur vos crimes, et que vous solliciterez, avec effroi, la miséricorde de Dieu, oh ! dans ce moment terrible,