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si rares à son âge, attiraient l’attention de la communauté. Il semblait craindre d’être reconnu, et personne n’avait jamais vu son visage. Sa tête était toujours enfermée dans son capuchon ; cependant ce que l’on voyait par hasard de ses traits paraissait beau et noble. Rosario était le seul nom sous lequel il fût connu dans le monastère. Nul ne savait d’où il venait, et lorsqu’on le questionnait sur ce sujet, il gardait un profond silence. Un étranger, dont le riche habit et l’équipage magnifique trahissaient le rang distingué, avait engagé les moines à recevoir un novice, et il avait déposé la somme nécessaire. Le jour suivant il était revenu avec Rosario, et depuis cette époque on n’avait plus entendu parler de lui.

Le jeune homme avait soigneusement évité la compagnie des moines : il répondait à leurs civilités avec douceur, mais avec réserve, et laissait voir une inclination marquée pour la solitude. Le supérieur était seul excepté de cette règle générale. Rosario avait pour lui un respect qui approchait de l’idolâtrie ; il recherchait sa société avec l’assiduité la plus attentive, et saisissait avidement tous les moyens d’obtenir ses bonnes grâces. Lorsqu’il était avec le prieur, son cœur semblait à l’aise, et un air de gaieté se répandait sur son maintien et sur ses paroles. Ambrosio, de son côté, ne se sentait pas moins attiré vers ce jeune homme ; pour lui seul, il incitait de côté sa sévérité habituelle. Quand il lui parlait, il prenait insensiblement un ton plus indulgent que d’ordinaire, et nulle voix ne retentissait si douce à son oreille que celle de Rosario. Il reconnaissait les attentions du novice en lui enseignant différentes sciences ; celui-ci recevait ses leçons avec docilité : chaque jour Ambrosio était charmé davantage de la vivacité de ton esprit,