neige ! Dieu de bonté, résisterais-je alors à la tentation ? Est-ce que je ne troquerais pas contre un seul embrassement le prix de trente années de souffrances ? n’abandonnerais-je pas — Insensé que je suis ! où me laissé-je entraîner par l’admiration de ce tableau ? Arrière, idées impures ! souvenons-nous que la femme est à jamais perdue pour moi. Jamais il n’a existé de mortelle aussi parfaite que cette peinture ; et quand même il en existerait, l’épreuve pourrait être trop forte pour une vertu ordinaire, mais Ambrosio est à l’abri de la tentation. La tentation, ai-je dit ? pour moi, ce n’en serait point une. Ce qui me charme, considéré comme un être idéal et supérieur, me dégoûterait, devenu femme et souillé de toutes les imperfections de la nature mortelle. Sois sans crainte, Ambrosio ! prends confiance dans la force de ta vertu ; entre hardiment dans le monde : tu es au-dessus de ses faiblesses. Réfléchis que tu es exempt des défauts de l’humanité, et défie tous les artifices des esprits de ténèbres. Ils te connaîtront pour ce que tu es ! »
Sa rêverie fut interrompue par trois coups légers à la porte de sa cellule. Le prieur avait peine à s’éveiller de son délire. On frappa de nouveau.
« Qui est là ? » dit enfin Ambrosio.
« Ce n’est que Rosario, » répondit une voix douce.
« Entrez ! entrez, mon fils. »
La porte s’ouvrit aussitôt, et Rosario parut, une petite corbeille à la main. Rosario était un jeune novice, qui devait prononcer ses vœux dans trois mois. Ce jeune homme s’enveloppait d’une sorte de mystère qui le rendait à la fois un objet d’intérêt et de curiosité. Son aversion pour la société, sa profonde mélancolie, sa rigoureuse observation des devoirs de son ordre, et son éloignement volontaire du monde, toutes ces dispositions,