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à nourrir la disposition mélancolique de Lorenzo ; il se jeta sur un siège placé près de lui, et s’abandonna aux prestiges de son imagination. Il pensa à son union avec Antonia ; il pensa aux obstacles que pourraient rencontrer ses désirs ; et une foule de visions changeantes lui passèrent devant l’esprit, tristes, il est vrai, mais non pénibles. Insensiblement le sommeil s’empara de lui, et le calme solennel de ses idées dans l’état de veille continua pour quelques instants d’influencer ses rêves.

Il se croyait toujours dans l’église des Capucins, mais elle n’était plus sombre ni solitaire : une multitude de lampes d’argent suspendues aux voûtes répandait à flots la lumière ; accompagné d’un chœur ravissant de voix lointaines, l’orgue emplissait l’église de mélodie ; l’autel semblait décoré pour quelque grande fête ; une compagnie brillante se tenait alentour, et Antonia était auprès, vêtue de blanc comme une fiancée, et rougissant avec tout le charme de la modestie virginale.

Partagé entre l’espoir et la crainte, Lorenzo contemplait cette scène. Soudain la porte qui conduisait au couvent s’ouvrit, et il vit s’avancer, suivi d’un long cortège de moines, le prédicateur qu’il venait d’écouter avec tant d’admiration. Le prieur imaginaire s’approcha d’Antonia.

« Et où est le fiancé ? » demanda-t-il.

Antonia sembla regarder dans l’église avec anxiété ; involontairement le jeune homme fit quelques pas hors de sa cachette ; elle le vit, et sa joue se colora de plaisir : d’un geste gracieux elle l’invita à avancer. Il ne désobéit pas à cet ordre ; il vola vers elle, et tomba à ses pieds.

Elle recula un instant ; puis le regardant avec une joie inexprimable : « Oui, » s’écria-t-elle, « mon fiancé ! l’époux qui m’est destiné ! »

Elle dit, et s’empressait de se jeter dans les bras de