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Le cœur d’Antonia était si plein d’admiration pour le moine, qu’elle saisît avidement l’occasion de parler de lui : d’ailleurs, ne considérant plus Lorenzo précisément comme un étranger, elle se sentait moins embarrassée par son extrême timidité.

« Oh ! il dépasse de beaucoup mon attente, » répondit-elle ; « jusqu’ici, je n’avais aucune idée du pouvoir de l’éloquence ; mais, tandis qu’il parlait, sa voix m’a inspiré tant d’intérêt, tant d’estime, je dirais presque tant d’affection pour lui, que je suis moi-même étonnée de la vivacité de mes sentiments. »

Lorenzo sourit de la force de ces expressions.

« Vous êtes jeune, et vous débutez dans la vie, » dit-il : « votre cœur, neuf au monde, et plein de chaleur et de sensibilité, reçoit avidement ses premières impressions ; sans artifice vous-même, vous ne soupçonnez pas les autres d’imposture ; et, voyant le monde à travers le prisme de votre innocence et de votre sincérité, vous vous imaginez que tout ce qui vous entoure mérite votre confiance et votre estime. Quel malheur que de si riantes visions doivent bientôt se dissiper ! quel malheur qu’il vous faille bientôt découvrir la bassesse du genre humain, et vous garder de vos semblables comme d’autant d’ennemis ! »

« Hélas ! señor, » répondit Antonia, « les infortunes de mes parents ne m’ont déjà fourni que trop d’exemples attristants de la perfidie du monde ! mais assurément cette fois, la chaleur de la sympathie ne peut m’avoir trompée. »

« Cette fois, je reconnais que non. La réputation d’Ambrosio est tout à fait sans reproche ; et un homme qui a passé toute sa vie entre les murs d’un couvent, ne peut avoir trouvé l’occasion de mal faire, quand même son