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vivre dans un vieux château qu’il possédait en Murcie. Ce château avait été l’habitation favorite de son fils aîné ; mais, depuis que ce fils s’était enfui d’Espagne, le vieux marquis ne pouvait plus souffrir cette résidence, et la laissait tomber en ruine. Ma sœur accepta la proposition ; elle se retira en Murcie, et elle y est restée jusqu’au mois dernier. »

« Et quel motif l’amène à Madrid ? » s’informa don Lorenzo, qui admirait trop la jeune Antonia pour ne pas prendre un vif intérêt au récit de la vieille bavarde.

« Hélas ! señor, son beau-père vient de mourir, et l’intendant du domaine de Murcie a refusé de lui payer plus longtemps sa pension. Elle vient à Madrid dans l’intention de supplier le nouvel héritier de la lui continuer ; mais je crois qu’elle aurait bien pu s’épargner cette peine. Vous autres jeunes seigneurs, vous savez toujours que faire de votre argent, et vous êtes rarement disposés à vous en priver pour de vieilles femmes. J’avais conseillé à ma sœur d’envoyer Antonia avec sa pétition : mais elle n’a pas voulu m’écouter. Elle est si obstinée ! aussi elle se trouvera mal de n’avoir pas suivi mon idée. L’enfant a un joli petit minois, et peut-être bien qu’elle aurait obtenu beaucoup. »

« Ah ! señora ! » interrompit don Christoval prenant un air passionné, « s’il faut un joli minois, pourquoi votre sœur n’a-t-elle pas recours à vous ? »

« Oh ! Jésus ! señor, je vous jure que je suis tout accablée de vos galanteries. Mais je connais trop bien le danger de pareilles commissions, pour me mettre à la merci d’un jeune gentilhomme. Non, non ; jusqu’ici j’ai préservé ma réputation de toute atteinte, et j’ai toujours su tenir les hommes à distance. »

« Oh ! pour cela, señora, je n’en doute nullement.