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Sainteté. Agnès n’est plus : et pour vous convaincre de la vérité de ce que je dis, je jure par notre bienheureux Sauveur qu’il y a trois jours qu’elle a été enterrée. »

Elle baisa un petit crucifix qui pendait à sa ceinture ; puis elle se leva, et quitta le parloir. Comme elle se retirait, elle jeta sur Lorenzo un regard dédaigneux.

« Adieu, señor, » dit-elle ; « je ne vois aucun remède à cet accident. Une seconde bulle du pape, je crains bien, n’opérerait pas la résurrection de votre sœur. »

Lorenzo se retira aussi, pénétré d’affliction : mais celle de don Raymond, à cette nouvelle, alla jusqu’à la folie : il ne voulait pas se persuader qu’Agnès était réellement morte, et il s’obstinait à soutenir qu’on la retenait dans les murs de Sainte-Claire. Aucun raisonnement ne put lui faire abandonner l’espoir de la retrouver. Chaque jour il inventait de nouveaux plans, mais sans succès.

De son côté, Médina renonça à l’idée de jamais revoir sa sœur ; mais il la croyait victime de quelque menée coupable. Dans cette persuasion, il encouragea les recherches de don Raymond, déterminé, s’il faisait la moindre découverte qui autorisât ses soupçons, à tirer une vengeance rigoureuse de l’insensible abbesse. La perte de sa sœur l’affectait sincèrement ; mais ce n’était pas la moindre cause de son chagrin que les convenances l’obligeassent de différer quelque temps de parler d’Antonia au duc. Ses émissaires, cependant, entouraient constamment la porte d’Elvire ; il était informé de tous les mouvements de sa maîtresse. Comme elle ne manquait jamais chaque jeudi d’assister au sermon dans la cathédrale des Capucins, il était sûr de la voir une fois par semaine, quoique, fidèle à sa promesse, il évitât soigneusement d’en être remarqué. Deux longs mois se passèrent ainsi. On n’apprenait rien de nouveau sur Agnès.