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naître notre demeure. Un profond sentiment de reconnaissance pour vos obligeantes offres de services, et — l’avouerai-je ? le désir de revoir le trop aimable don Christoval, ne me permettent pas d’obéir à ces injonctions. Je profite d’un moment de liberté pour vous informer que nous logeons dans la rue San-Jago, à quatre portes du palais d’Albornos, et presque en face du barbier Miguel Coello. Demandez doña Elvire Dalfa, car, par respect pour l’ordre de son beau-père, ma sœur continue de porter son nom de fille. À huit heures, ce soir, vous serez sûr de nous trouver ; mais qu’il ne vous échappe pas un mot qui puisse faire soupçonner que je vous ai écrit cette lettre ! Si vous voyez le comte d’Ossorio, dites-lui — je rougis de le déclarer — dites-lui que sa présence ne sera que trop agréable à la tendre

« Léonella. »

La dernière phrase était écrite en encre rouge, pour exprimer les rougeurs de sa joue, lorsqu’elle commettait cet outrage envers sa pudeur virginale.

Lorenzo n’eut pas plus tôt achevé de lire ce billet qu’il se mit en quête de don Christoval. N’ayant pas réussi à le trouver de toute la journée, il se rendit seul chez doña Elvire, au grand désappointement de Léonella. Le domestique, auquel il avait donné son nom, ayant déjà dit qu’on était au logis, Elvire n’eut aucune excuse pour refuser sa visite ; mais elle ne consentit qu’avec beaucoup de répugnance à la recevoir. Cette répugnance s’augmenta en voyant les changements qui s’étaient opérés dans la physionomie d’Antonia lorsqu’il avait été annoncé, et elle fut loin de s’affaiblir quand le jeune homme lui-même parut. Sa tournure parfaite, l’expression de ses traits, l’élégance naturelle de ses manières et de son langage, convainquirent Elvire qu’un tel hôte serait dange-