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« Elle s’élança du banc où elle était assise. J’essayai de la retenir, mais elle se dégagea avec violence et se réfugia dans le couvent.

« Je me retirai plein de confusion et d’inquiétude. Le lendemain matin, je ne manquai pas de paraître au jardin comme d’habitude ; mais Agnès ne s’y montra pas. Le soir, je l’attendis à l’endroit où nous nous rencontrions généralement : je n’eus pas plus de succès. Plusieurs jours et plusieurs nuits se passèrent de la même manière. Enfin je vis ma maîtresse offensée traverser l’allée au bord de laquelle je travaillais : elle était accompagnée de la jeune pensionnaire avec qui je l’avais déjà vue, et sur le bras de laquelle elle semblait obligée de s’appuyer par faiblesse. Elle jeta un regard sur moi, et aussitôt elle détourna la tête. J’attendis son retour ; mais elle passa sans m’accorder la moindre attention, ni aux regards repentants dont j’implorais mon pardon.

« Aussitôt que les nonnes se furent retirées, le vieux jardinier m’accosta d’un air chagrin.

« Señor, » dit-il, « je suis fâché de vous dire que je ne peux plus vous être utile : la dame que vous aviez coutume de rencontrer vient de m’assurer que, si je vous introduisais encore dans le jardin, elle découvrirait toute l’affaire à la dame abbesse. Elle m’a chargé de vous dire aussi que votre présence était une insulte, et que si vous aviez encore le moindre égard pour elle, vous ne tenteriez plus jamais de la voir. Excusez-moi donc de vous annoncer que je ne puis favoriser plus longtemps votre déguisement. Si la supérieure apprenait ma conduite, elle pourrait ne pas se contenter de m’ôter ma place : par vengeance, elle pourrait m’accuser d’avoir profané le couvent, et me faire jeter dans les prisons de l’inquisition. »