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« Ai-je tort de supposer que vous êtes étrangère à Madrid ? »

La dame hésita ; et enfin, d’une voix si basse qu’elle était à peine intelligible, elle fit un effort et répondit : « Non, señor. »

« Votre intention est-elle d’y rester quelque temps ? »

« Oui, señor. »

« Je m’estimerais heureux, s’il était en mon pouvoir de contribuer à vous en rendre le séjour agréable. Je suis bien connu à Madrid, et ma famille n’est pas sans crédit à la cour. Si je puis vous être de quelque utilité, disposez de moi ; ce sera me faire honneur et plaisir. » — « Assurément, » se dit-il, « elle ne peut pas répondre à cela par un monosyllabe : cette fois il faut qu’elle me dise quelque chose. »

Lorenzo se trompait : la dame salua de la tête pour toute réponse.

Pour le coup, il avait reconnu que sa voisine n’aimait guère à causer ; mais ce silence provenait-il d’orgueil, de réserve, de timidité ou de bêtise, c’est ce qu’il ne pouvait encore décider.

Après une pause de quelques minutes : « C’est sans doute parce que vous êtes étrangère, » dit-il, « et encore peu au fait de nos usages, que vous continuez à porter votre voile ? Permettez-moi de vous le retirer. » En même temps il avançait sa main vers la gaze ; la dame l’arrêta.

« Je n’ôte jamais mon voile en public, señor. »

« Et où est le mal, je vous prie ? » interrompit sa compagne, non sans aigreur. « Ne voyez-vous pas que toutes les autres dames ont quitté le leur, par respect pour le saint lieu où nous sommes ? J’ai déjà moi-même ôté le mien ; et certes, si j’expose mes traits à tous les