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jet de mon déguisement. Le matin du quatrième jour je fus plus heureux, j’entendis la voix d’Agnès, et je courais vers le son quand la vue de la supérieure m’arrêta. Je reculai avec précaution, et me cachai derrière un tronc d’arbre.

« L’abbesse avança, et s’assit avec Agnès sur un banc à peu de distance. Je l’entendis, d’un ton mécontent, blâmer la continuelle mélancolie de sa compagne. Elle lui dit que pleurer la perte d’un amant, dans sa situation, était un crime ; mais que pleurer celle d’un perfide était le comble de la folie et de l’absurdité. Agnès répondit si bas que je ne pus distinguer ses paroles, mais son ton était celui de la douceur et de la soumission. La conversation fut interrompue par l’arrivée d’une jeune pensionnaire qui informa la supérieure qu’on l’attendait au parloir. La vieille dame se leva, baisa la joue d’Agnès et se retira. La nouvelle venue resta. Agnès lui parla beaucoup à la louange de quelqu’un, je ne pus deviner qui ; mais son interlocutrice avait l’air d’être enchantée et de s’intéresser fort à l’entretien. Agnès lui montra plusieurs lettres : l’autre les parcourut avec un plaisir évident, obtint la permission de les copier, et se retira dans ce dessein, à ma grande satisfaction.

« Elle ne fut pas plus tôt hors de vue que je quittai ma cachette. De peur d’alarmer mon aimable maîtresse, je m’avançai doucement vers elle, voulant me découvrir par degrés ; mais qui peut un moment tromper les yeux de l’amour ? Elle leva la tête à mon approche, et me reconnut du premier coup d’œil, en dépit de mon déguisement. Elle se leva précipitamment de son siège avec une exclamation de surprise et essaya de s’enfuir ; mais je la suivis, je la retins et la suppliai de m’entendre. Persuadée de ma fausseté, elle refusa de m’écouter et m’or-