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il était essentiel qu’il ne me connût pas sons un autre nom que celui de comte de Las Cisternas, j’étais déterminé à ne pas lui laisser écouter la confession du spadassin. Je lui donnai à entendre que, comme cette affaire m’avait tout l’air de concerner une dame dont le nom pourrait bien échapper à l’assassin, il était nécessaire que j’interrogeasse cet homme en particulier. La délicatesse de don Gaston ne lui permit pas d’insister, et le spadassin fut transporté à mon hôtel.

« Le lendemain matin, je pris congé de mon hôte, qui devait retourner vers le duc le même jour. Mes blessures étaient si peu de chose que, sauf l’obligation de porter mon bras en écharpe pour peu de temps, je ne me ressentis pas de mon aventure nocturne. Le chirurgien qui avait sondé celles du spadassin les déclara mortelles : en effet, le malheureux eut à peine le temps de confesser qu’il avait été poussé à m’assassiner par la vindicative doña Rodolpha, et il expira peu d’instants après.

« Mes pensées n’eurent plus d’autre objet que de me procurer une entrevue avec mon adorable nonne. Théodore se mit à l’œuvre, et, cette fois, avec plus de succès. Il assiégea le jardinier de Sainte-Claire de tant de cadeaux et de promesses que le vieillard fut mis entièrement dans mes intérêts, et il fut arrêté que je serais introduit dans le couvent en me faisant passer pour son aide. Le plan fut mis à exécution sans délai. Déguisé sous des habits grossiers, et un de mes yeux couvert d’un noir emplâtre, je fus présenté à la dame abbesse, qui daigna approuver le choix du jardinier. J’entrai immédiatement en fonctions. La botanique ayant été une de mes études favorites, je ne me trouvai nullement embarrassé de ma nouvelle position. Pendant plusieurs jours je continuai de travailler dans le jardin du couvent sans rencontrer l’ob-