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couvris dans la personne de mon libérateur don Gaston de Médina. Elle ne pouvait être égalée que par ma secrète satisfaction de savoir qu’Agnès habitait le couvent de Sainte-Claire. Cette dernière sensation ne fut pas médiocrement affaiblie lorsque, en réponse aux questions que je faisais d’un air d’indifférence, il me dit que sa fille avait réellement pris le voile. Je ne souffris pas que mon chagrin de cette nouvelle prît racine dans mon esprit ; je me flattais de l’idée que le crédit de mon oncle à la cour de Rome écarterait cet obstacle, et que j’obtiendrais sans difficulté pour ma maîtresse la révocation de ses vœux. Soutenu par cette espérance, je calmai le malaise de mon âme, et je redoublai d’efforts pour paraître reconnaissant des prévenances de don Gaston et charmé de sa société.

« Un domestique, en ce moment, entra dans la chambre, et m’annonça que le spadassin que j’avais blessé donnait quelques signes de vie. Je demandai qu’on le conduisît à l’hôtel de mon père, et dis qu’aussitôt qu’il aurait recouvré la parole je l’interrogerais sur les motifs qu’il avait eus d’attenter à ma vie. On me répondit qu’il était déjà en état de parler, quoique avec peine. Don Gaston vint me presser de questionner l’assassin en sa présence ; mais j’avais deux raisons de ne pas me soucier de satisfaire sa curiosité : la première, c’est que, soupçonnant d’où venait le coup, il me répugnait de dévoiler aux yeux de don Gaston le crime d’une sœur ; la seconde était ma crainte d’être reconnu pour Alphonse d’Alvarada, et de voir prendre en conséquence des précautions pour me tenir séparé d’Agnès. Avouer ma passion pour sa fille et entreprendre de le faire entrer dans mes projets, d’après ce que je savais du caractère de don Gaston, c’eût été une démarche imprudente ; et, considérant combien