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gitif. Depuis ce moment je n’ai plus entendu parler de lui, et il est probable que je n’en entendrai jamais parler. »

Ici Lorenzo interrompit la narration de son ami.

« Comment ! » dit-il, « vous n’avez jamais découvert qui c’était ? vous n’avez pas même fait de conjecture ? »

« Pardonnez-moi, » répliqua le marquis : « quand je racontai cette aventure à mon oncle, le cardinal-duc, il me dit qu’il n’avait aucun doute que cet homme étrange ne fût le personnage célèbre connu universellement sous le nom du juif errant. La défense qui lui est faite du passer plus de quatorze jours dans le même lieu, la croix de feu empreinte sur son front, l’effet qu’elle produit sur ceux qui la regardent, et plusieurs autres circonstances, donnent à cette supposition le caractère de la vérité. Le cardinal en est pleinement persuadé ; et, pour ma part, je suis porté à adopter la seule solution qui se présente de cette énigme. Je reviens au récit dont je me suis écarté.

« À dater de cette époque, ma santé se rétablit avec une rapidité qui étonna mes médecins. — La nonne sanglante ne parut plus, et je fus bientôt en état du partir pour Lindenberg. Le baron me reçut à bras ouverts. Je lui confiai la suite de mon aventure, et il ne fut pas peu charmé d’apprendre que sa demeure ne serait pas troublée plus longtemps des visites quinquennales du fantôme. Je remarquai avec chagrin que l’absence n’avait pas affaibli l’imprudente passion de doña Rodolpha. Dans un entretien particulier que j’eus avec elle pendant mon court séjour au château, elle renouvela ses tentatives pour me décider à payer sa tendresse de retour ; mais je la regardais comme la cause première de toutes mes souffrances, et elle ne m’inspirait pas d’autre sentiment que le dégoût. Le squelette de Béatrix fut trouvé à l’endroit qu’elle avait