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« Notre malade n’est pas tout à fait dans son bon sens, » entendis-je qu’il lui disait à voix basse : « c’est la conséquence naturelle de sa chute ; mais cela se passera bientôt. »

« Les paysans revinrent à l’auberge l’un après l’autre, et m’informèrent qu’on n’avait découvert aucune trace de mon infortunée maîtresse. Mon inquiétude alors devint du désespoir. Je les suppliai dans les termes les plus pressants de recommencer leurs recherches, doublant les récompenses que je leur avais déjà promises. — Mon air égaré et frénétique confirma les assistants dans l’idée que j’étais en délire. N’ayant point trouvé de vestiges de la dame, ils la crurent un être créé par mon cerveau échauffé et ne firent aucune attention à mes prières. Cependant l’hôtesse m’assura qu’on ferait une nouvelle perquisition ; mais j’ai su depuis que sa promesse n’avait eu d’autre but que de me calmer. On ne fit aucune autre démarche.

« Quoique mon bagage eût été laissé à Munich, aux soins de mon domestique français, comme je m’étais disposé à un long voyage, ma bourse était amplement garnie. D’ailleurs, mon équipage annonçait un homme de distinction ; et en conséquence on eut pour moi à l’auberge toutes les prévenances possibles. Les jours s’écoulaient : point de nouvelles d’Agnès. L’anxiété de la crainte fit place au découragement. Je cessai de me désoler, et je me plongeai dans un abîme de réflexions mélancoliques. Me voyant silencieux et tranquille, mes gardes-malades crurent que mon délire avait diminué et que ma maladie prenait une tournure favorable. Sur l’ordre du chirurgien, je pris une potion calmante ; et dès que la nuit vint, les personnes qui me gardaient se retirèrent et me laissèrent reposer.