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tour ; ses créneaux élevés, tapissés de lierres, et ses portes ouvertes en l’honneur de l’hôte surnaturel, me pénétraient d’une triste et respectueuse horreur. Toutefois ces sensations ne me dominaient point assez pour m’empêcher de m’impatienter de la lenteur avec laquelle marchait le temps. J’approchai du château et me hasardai à en faire le tour : une faible lueur brillait encore dans la chambre d’Agnès. Je regardai cette lueur avec joie. Mes yeux ne l’avaient point encore quittée, lorsque je vis une figure venir à la croisée, et le rideau fut soigneusement tiré pour cacher la lampe qui brûlait. Convaincu par cette observation qu’Agnès n’avait point abandonné notre plan, je retournai à mon poste, le cœur léger.

« La demi-heure sonna. Les trois quarts sonnèrent ! Comme mon sein battait d’espoir et d’incertitude ! Enfin le coup désiré se fit entendre, l’horloge frappa « une heure, » et l’écho du manoir répéta le son bruyant et solennel. Je levai les regards vers la fenêtre de la chambre mystérieuse. — À peine cinq minutes s’étaient écoulées, la lumière que j’attendais parut. J’étais tout près de la tour. La fenêtre n’était pas tellement éloignée de terre que je ne m’imaginasse voir une figure de femme, une lampe en main, se mouvoir avec lenteur le long de la chambre. Bientôt la lumière s’évanouit, et tout rentra dans l’obscurité.

« Des clartés fugitives se montraient aux fenêtres de l’escalier à mesure que l’aimable fantôme passait devant. Je suivis la lumière à travers la grande salle ; elle en sortit, et enfin je vis Agnès passer la porte principale. Elle était habillée exactement comme elle avait décrit le spectre. Un chapelet pendait à son bras ; sa tête était enveloppée d’un long voile blanc ; sa robe de nonne était