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« Elle quitta précipitamment la chambre et monta l’escalier.

« Je ne pus m’empêcher de témoigner au bûcheron combien je le plaignais d’être enchaîné pour la vie à une compagne d’un caractère si difficile.

« Ah ! seigneur ! monsieur, chacun a sa part de souffrances, et Marguerite est la mienne. D’ailleurs, après tout, elle est maussade et non méchante : le pis est que son affection pour deux enfants qu’elle a eus d’un premier mari lui fait jouer le rôle de marâtre avec les deux miens ; elle ne peut pas les voir ; et, si je l’écoutais, ils ne mettraient jamais le pied chez moi : mais quant à cela je tiens bon, et jamais je ne consentirai à abandonner les pauvres garçons à la merci du monde, comme elle m’en a si souvent pressé. Sur tout le reste, je la laisse faire à sa tête, et réellement elle conduit parfaitement un ménage, je dois dire cela à sa louange. »

« Nous causions de la sorte, lorsque notre conversation fut interrompue par un grand cri qui venait de la forêt. »

« Ce sont mes fils, j’espère ! » dit le bûcheron, et il courut ouvrir la porte.

« Le cri fut répété. Nous distinguâmes un bruit de chevaux, et bientôt après un carrosse, suivi de plusieurs cavaliers, s’arrêta à la porte de la cabane. Un d’eux demanda à quelle distance ils étaient encore de Strasbourg : comme c’était à moi qu’il s’adressait, je lui répondis qu’ils en étaient à tant de lieues, le nombre que m’avait dit Claude ; sur quoi une grêle d’imprécations tomba sur les postillons qui s’étaient égares. Les personnes qui étaient dans la voiture avaient été prévenues de la distance, et aussi que les chevaux étaient fatigués à ne pouvoir pas aller plus loin. Une dame, qui paraissait être la maîtresse, montra beaucoup de chagrin à cette