Page:Lewis - Le Moine, Tome 1, trad Wailly, 1840.djvu/112

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aurez entendu mon histoire, vous serez convaincu que mes expressions n’ont point été trop sévères. »

Il commença alors sa narration de la manière suivante :

Histoire de don Raymond, marquis de Las Cisternas.

« Une longue expérience, mon cher Lorenzo, m’a prouvé toute la générosité de votre nature ; je n’ai pas attendu que vous déclariez l’ignorance où vous étiez des aventures de votre sœur pour supposer qu’on avait eu soin de vous les cacher. Si vous les aviez sues, à quelles infortunes Agnès et moi nous aurions échappé ! Le destin en a ordonné autrement. Vous étiez en voyage quand je fis connaissance avec votre sœur, et comme nos ennemis se gardaient bien de lui dire où vous étiez, il lui était impossible de vous demander par lettre votre protection et vos conseils.

« En quittant Salamanque où vous restâtes à l’université une année après moi, comme je l’ai su depuis, je commençai immédiatement le cours de mes voyages. Mon père fournit généreusement à mes dépenses ; mais il me recommanda de cacher mon rang et de ne me présenter partout que comme un simple gentilhomme. Cette idée lui avait été suggérée par son ami le duc de Villa Hermosa, un seigneur dont l’habileté et la connaissance du monde m’ont toujours inspiré la plus profonde vénération.

« Croyez-moi, mon cher Raymond, » me dit-il, « vous recueillerez plus tard le fruit de cet abaissement temporaire. Il est vrai que, comme comte de Las Cisternas, vous seriez reçu les bras ouverts, et que votre vanité de jeune homme serait satisfaite des attentions qui pleuvraient sur vous de tout côté. Maintenant, c’est de vous-même que presque tout va dépendre ; vous avez d’excellentes recommandations, mais ce sera votre affaire