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LXXIX

Los Baños de Argel, el Rufian dichoso, La Gran Sultana, El Laberinto de amor, La Entretenida,

    lui qui avait assisté, en quelque sorte, aux premières tentatives de l’art dramatique en Espagne. On sait avec quel enthousiasme il rappelle les triomphes de Lope de Rueda, qu’il avait vu sur la scène dans son enfance. Ce n’est point par dépit ni par envie qu’il frondait les folies du théâtre contemporain, mais il en signalait avec esprit et non sans malice les ridicules invraisemblances, et il inaugurait contre le despotisme de Lope une réaction qui devait éclater plus tard avec une grande violence.

    En somme, ses critiques étaient très-fondées et pleines de mesure ; mais elles n’annonçaient point des principes étroits et inflexibles, tels que ceux qui régnaient en Espagne, dès les premières années du dix-huitième siècle, sous l’influence souveraine des traditions ultra-classiques de la littérature française du temps de Louis XIV. Cervantes qui était, comme on disait alors de ceux qui avaient échappé au long noviciat de l’enseignement scolaire, un génie laïque, ingenio lego, Cervantes, dont la haute raison se pouvait passer de discipline, n’invoquait guère Horace et Aristote qu’en riant et pour se railler des pédants et des cuistres. Ses théories sur le théâtre sont excellentes parce qu’elles émanent du bon sens le plus solide, et qu’elles n’ont pas besoin d’être soutenues par des autorités respectables. Si l’on ne retrouve pas dans ses pièces, grandes et petites, le génie qu’on admire dans Don Quichotte et ailleurs, ou y reconnaît son esprit libre et preste, à la vivacité de ses allures ; et, sans admirer ses pièces comme des chefs-d’œuvre, on ne peut que les goûter comme des créations le plus souvent spirituelles et divertissantes. Nous qui les lisons aujourd’hui, sans subir l’influence de ces préjugés rances, que la tradition scolastique a longuement perpétués, nous pensons que don Blas Nasarre et l’abbé Lampillas étaient bien arriérés, et nous ne saurions souscrire non plus au jugement mitigé de don Vicente de los Rios.

    Les pièces de Cervantes valent infiniment mieux que la réputation qu’on leur a faite, et nous ne doutons pas que la publicité que vient de leur donner M. Royer ne modifie considérablement une opinion qui a pu se propager sans résistance, faute d’un contrôle suffisant.

    Les comédies écrites en vers, sont de valeur inégale ; mais il faut signaler parmi celles que M. Royer a publiées intégralement : Pedro de Urdemalas, El gallardo español, El rufian dichoso. Celle-ci est particulièrement remarquable par le début du deuxième acte, où Cervantes expose, non pas ses principes dramatiques, mais les ressources ou les ficelles, comme on dirait en termes familiers, de ses contemporains,