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LXXVII

tique sur le théâtre de Cervantes, traduit par M. Alphonse Royer en un volume[1].

  1. Michel Cervantes, théâtre traduit pour la première fois par Alphonse Royer. Paris, Michel Lévy frères, 1862. 1 vol. gr. in-18, de 421 p.

    Ce volume est une bonne fortune pour le public français, plus heureux que le public espagnol, grâce à la publication de M. Royer, qu’on ne saurait trop remercier d’avoir fait connaître à la France littéraire un vrai trésor que l’Espagne ne connaît point. On a, depuis la fin du dix-huitième siècle, publié bien des éditions complètes des œuvres de Cervantes, et dans aucune de ces éditions on ne trouve ses pièces dramatiques, sauf la Numancia et le Trato de Argel qu’on place ordinairement à la suite du Viage al Parnaso. La routine et l’incurie sont monnaie courante au delà des Pyrénées, et c’est vraiment une grande honte pour les éditeurs espagnols que l’édition française du théâtre de Cervantes. M. Rivadeneyra lui-même, dont la grande et magnifique Bibliothèque mérite tant d’éloges, a suivi docilement l’exemple de ses prédécesseurs : le volume des œuvres complètes de Cervantes, qui figure en tête de sa belle collection, ne contient pas une seule pièce de théâtre. Aussi les curieux qui veulent connaître les écrits dramatiques de Cervantes en sont-ils réduits à chercher l’édition originale de 1615, aujourd’hui fort rare, ou celle de 1749, qui est une réimpression non moins rare.

    M. Royer a donc rendu un service très-essentiel aux lettres, en mettant à la portée de tous ce qui jusqu’ici n’était connu que d’un très-petit nombre, si petit, en effet, que la plupart des critiques étrangers qui ont parlé du théâtre de Cervantes, ne connaissent point ce théâtre ; et, malgré cet inconvénient, ils ont jugé et prononcé leur verdict. Les plus rigides dans ce métier de la critique, jugent souvent de même, avec compétence assurément, mais sans connaissance de cause.

    M. Royer s’est moqué, non sans raison, de ces juges et de leurs arrêts. Avec moins d’indulgence, il eût raillé impitoyablement d’autres critiques, mieux instruits, mais encore moins éclairés ; car il y a eu des littérateurs qui ont débité bien des sottises sur l’œuvre dramatique de Cervantes, et cela en Espagne.

    Ainsi, pour n’en produire que deux ou trois exemples, en 1749, don Blas Nasarre donna une nouvelle édition du théâtre de Cervantes (c’était la seconde, et il n’y en a pas eu d’autres depuis), et il trouva plaisant d’y mettre une lourde dissertation, à seule fin de prouver, en faveur des théories dites classiques, que Cervantes avait voulu tourner en ridicule les dramaturges de son temps, en composant lui-même