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LXXV

tribunal civil. Le célébrant fut obligé de quitter l’autel et d’aller achever l’office dans la sacristie. Grâce à l’intervention de don Francisco de Guzman, marquis d’Algava, l’Inquisition consentit à retirer l’excommunication qu’elle avait fulminée contre les magistrats ; et les deux parties en référèrent au conseil du roi. La décision du conseil royal se fit attendre, et la cérémonie interrompue ne fut reprise qu’un mois plus tard. Don Pablo Espinoza, auteur d’une histoire de Séville, et dont la narration a été adoptée par l’annaliste Ortiz de Zuñiga, raconte cet incident en grand détail, et donne par la même occasion une description minutieuse du magnifique catafalque qu’on avait dressé à grands frais au milieu de la cathédrale, d’après les dessins du célèbre architecte Juan de Oviedo. C’est à ce catafalque sans pareil que Cervantes adresse le sonnet qu’il réputait la perle de ses écrits :

Yo el soneto compuse, que así empieza,
Por honra principal de mis escritos:
Voto á Dios que me espanta esta grandeza.

Au catafalque du roi, à Séville.

Vive Dieu ! cette magnificence m’étourdit, et volontiers je donnerais un doublon pour la décrire.

Car enfin, qui ne reste en suspens et émerveillé à la vue de cette rare machine, de ce grand appareil ?

Par Jésus-Christ vivant, chacune de ses pièces vaut plus d’un million, et il est dommage que cela ne dure un siècle. Ô grandiose Séville ! Rome triomphante par la vaillance et la richesse.

Je gagerais que l’âme du défunt, pour jouir de ce spectacle, a quitté aujourd’hui le ciel où elle est éternellement bienheureuse.

Ayant ouï cela, un bravache dit : « C’est certain ce