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LXXIV

Y al cabo en Cádiz con mesura harta
(Ido ya el Conde sin ningun rezelo)
Triunfando entró el gran duque de Medina.

Ce que la traduction ne peut rendre, c’est le ton d’agréable et fine ironie qui règne d’un bout à l’autre de cette pièce. Le vieux soldat se moque en connaisseur de ces milices bourgeoises qu’il compare aux corporations de métier et aux confréries religieuses qui font le plus bel ornement des processions publiques de la semaine sainte. Il nous montre tous ces soldats improvisés, se couvrant à l’envi de pompons, comme des amateurs qui vont en guerre pour rire. Voici un capitaine instructeur qui s’égosille à faire la leçon et à apprendre la manœuvre à ces beaux soldats de parade. Cervantes sait bien qu’ils ne feront pas « trembler la terre sous leurs mousquets, » comme ses anciens compagnons d’armes, qui avaient parcouru toute l’Europe en triomphateurs. Enfin les voilà qui s’organisent au bout de quinze jours d’agitation et de préparatifs inutiles. Les voilà en marche ; mais ils feront de courtes étapes, et n’entreront dans la ville qu’ils vont secourir qu’après avoir laissé à l’ennemi le temps de la saccager et de se retirer sans crainte d’être poursuivi. — Tel est ce sonnet que nous avons essayé de rendre par cette paraphrase, et qui est en effet un des meilleurs de la littérature espagnole.

Cervantes estimait davantage cet autre sonnet qu’il improvisa également à Séville, à l’occasion de cette compétition ridicule qui s’éleva entre le tribunal du Saint-Office et la haute cour de justice pour une question de préséance, lors des funérailles de Philippe II dans la cathédrale. L’Inquisition eut recours à ses armes ordinaires, et excommunia, séance tenante, les membres du