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LXX

vingt mille chrétiens, la clef est dans tes mains, tu tiens leur délivrance. — Tous là-bas, comme moi ici, les mains et les genoux en terre, sanglotant au milieu d’inhumaines tortures, — Vaillant Seigneur, te supplient de tourner tes regards miséricordieux vers leurs yeux toujours remplis de larmes. — Voici que maintenant la discorde te laisse en repos, après t’avoir si fort tourmenté et fatigué ; et la paix te rend la concorde, — Fais donc, ô roi bon, que par toi soit achevée l’entreprise si hardiment et si glorieusement commencée par ton bien-aimé père. — L’idée seule de ton départ sèmera l’épouvante parmi les ennemis, et je prévois déjà leur abattement et leur ruine. » — Qui peut douter que le cœur du roi ne fasse paraître sa bonté, au récit de l’état misérable et des continuelles souffrances de ces malheureux ? — Je vois bien que je trahis la faiblesse de mon pauvre esprit, qui prétend parler un si vulgaire langage devant un si grand prince. — Mais tout se justifie par la légitimité des désirs. Toutefois, je veux faire silence sur tout cela ; — car j’ai peur que ma plume ne commence à vous offenser ; et d’ailleurs on m’appelle à la corvée, où je meurs. »

Cette épître, adressée à Mateo Vasquez, secrétaire d’État et favori de Philippe II après la disgrâce d’Antonio Perez, a été récemment exhumée des archives de la maison du comte d’Altamira, par l’archiviste Luis Buitrago y Peribañez. Elle a été reproduite par les soins du poëte érudit et savant bibliothécaire Hartzenbusch, dans le tome IV de sa délicieuse édition populaire du Don Quichotte, qu’un éditeur plein de zèle pour la gloire des lettres espagnoles, M. Rivadeneyra, vient d’imprimer dans ce même bourg de la Manche, dont Cervantes ne voulait pas se rappeler le nom. C’est le no 1 de l’appendice. On voit, d’après un passage de cette épître, qui n’a pas