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LIV

assez animé, plutôt blanc que brun, un peu voûté des épaules, et non fort léger des pieds ; cela, dis-je, est le portrait de l’auteur de la Galatée, de Don Quichotte de la Manche, du Voyage au Parnasse et d’autres œuvres qui courent le monde à l’abandon, peut-être sans le nom de leur maître. On l’appelle communément Miguel de Cervantes Saavedra. »

Tout cela est dit avec une délicatesse infinie et un accent de naïveté charmante. Il ajoute qu’il était bègue, mais que sa bouche était toujours prête à dire la vérité.

Ce portrait est achevé et le caractère de l’homme se peint sur son visage. C’est un mélange incomparable de bonté, de bonne humeur et de franchise, où la bonhomie laisse à peine percer une pointe de malice. Dans ces yeux et sur ce front brillent les facultés les plus heureuses de l’intelligence, relevées encore par les hautes qualités d’une grande âme. Il suffit de le regarder pour le connaître. Veut-on l’apprécier à sa valeur ? qu’on ouvre ses écrits. Il y est tout entier, et à chaque page, presque à chaque ligne, il apparaît tel qu’il fut en effet : bon, généreux, indulgent, dévoué, juste surtout, animé de la passion du vrai et du beau, toujours jeune de cœur et d’esprit, malgré les rudes leçons de l’expérience. À mesure qu’ils avancent dans la vie, les hommes vulgaires deviennent égoïstes. Il n’en est pas ainsi des hommes véritablement grands.

Dans le Voyage au Parnasse, où il s’est rendu naïvement justice, car il parle souvent de lui, mais naturellement, sans dé-