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XXXVIII

IX

Lorsque Cervantes arriva à Valladolid, la cour y était établie depuis deux ans ; mais le vieux soldat chercha vainement un ami dans la foule servile des courtisans. Le duc de Lerme était le vrai monarque. Philippe III, roi dévot et indolent, lui laissait tout son pouvoir ; et l’insolent favori, entouré de flatteurs, distribuait ses grâces aux plus vils.

De ce sot orgueilleux, les lettres n’avaient aucune protection à attendre ; le talent et les services étaient également oubliés. Cervantes sollicita des récompenses auxquelles il avait droit ; il fut éconduit avec hauteur par ce ministre, qu’il avait appelé « l’Atlas du poids de cette monarchie. » Ce fut la dernière tentative qu’il fit pour fléchir la fortune. À l’âge de cinquante-six ans, que pouvait-il espérer ? Désabusé bien tard, il rentra dans son obscurité, voué désormais au culte des lettres, qui furent sa passion constante, le charme de sa retraite et la consolation de sa vie. Dès l’année suivante, 1604, il sollicitait le privilége royal pour l’impression de la première partie de Don Quichotte. L’ouvrage fut publié à Madrid en 1605. La première édition épuisée, il en parut une seconde la même année, tandis qu’on le réimprimait en même temps à Valence et à Lisbonne. Je reviendrai plus tard sur ce qui concerne la publication de Don Quichotte.