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XXXVI

Depuis la fin de 1598 jusqu’au commencement de 1603, les documents font défaut, et l’on ne peut remplir cette lacune de quatre années. Ce fut, à ce que l’on croit, durant cet intervalle, que Cervantes eut à souffrir de nouvelles persécutions dans la province de la Manche. Un fait certain, c’est qu’il fut retenu en prison par les habitants de la petite ville d’Argamasilla de Alba, où il était allé, selon les uns, réclamer les dîmes arriérées dues au grand prieuré de Saint-Jean, tandis que d’autres prétendent que les habitants de ce bourg s’ameutèrent contre lui, parce qu’il avait détourné, au grand préjudice de leurs irrigations, les eaux du Guadiana, dont il avait besoin pour la préparation des salpêtres qui servaient à la fabrication de la poudre. La tradition a constamment conservé son souvenir, et l’on montre encore à Argamasilla une masure délabrée, où l’on prétend qu’il fut détenu (la casa de Medrano).

Il paraît que cette détention arbitraire se prolongea quelque temps, et que l’état d’abandon où il se trouvait le força d’avoir recours à l’un de ses oncles, nommé Juan Barnabé de Saavedra, bourgeois considérable d’Alcazar de San Juan. On a conservé de mémoire le commencement de la lettre qu’il lui écrivit : « De longs jours et de tristes nuits me fatiguent dans ce cachot ou plutôt dans cette caverne. » On dit que cette pièce s’est longtemps conservée ; mais elle a disparu, et jusqu’à ce jour elle a échappé à toutes les recherches.