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s’adressant à son public, à la manière des tragiques grecs ou des comiques latins, parle d’une véritable trilogie, ou si l’on veut d’une triple tragédie sous un titre unique. En autres termes, il déclare que dans sa tragédie de Sémiramis, il y a trois actions différentes, qui forment autant de tragédies ; et chacune de ces tragédies se passe dans une ville différente. Le spectateur se trouve successivement transporté à Bactres, à Ninive et à Babylone. Virués, qui s’inspirait de la tradition classique, n’entendait point violer l’unité de lieu, et il croyait sincèrement concilier celle-ci avec l’unité d’action. — On a de Virués cinq tragédies ou mieux cinq drames, écrits en 1580 et 1590, et publiés seulement en 1609. Ils sont d’une rare extravagance ; les personnages y meurent par douzaines, et telle action ne dure pas moins de quarante années. La plus régulière et la moins absurde de ces pièces est celle qui a pour titre : Elisa Dido, tragédie conforme, non pas à la tradition virgilienne, mais au genre adopté par les Grecs ; faible d’ailleurs comme intérêt et comme peinture de caractère. Virués est auteur d’un poëme légendaire et religieux : « El Monserrate; fundacion de aquella real casa y camara angelical, con relacion de la vida y penitencia de Fray Juan Guarin, » Madrid, 1587. « El Monserrate segundo, » Milan, 1602, in-8. C’est le même poëme revu et augmenté, un des meilleurs de la littérature espagnole. Cervantes le cite avec éloge dans l’examen des livres de Don Quichotte, à côté de l’Araucana de Ercilla et de la Austriada de Juan Rufo : « Todos estos tres libros, dijo el Cura, son los mejores que en verso heróico en lengua castellana estan escritos, y pueden competir con los mas famosos de Italia: guárdense como las mas ricas prendas de poesia que tiene España. »