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qui, à son avis, ont emporté la palme de la poésie épique : Homère, Virgile, le Tasse et Camoens. Homère, dit-il, est divin, Virgile éminent, Camoens admirable, et Silveyra héroïque ; à tel point que jamais vigoureux esprit ne célébra une action héroïque avec une pareille élévation de style : « Y tanto que ha sido el mas vehemente espiritu que cantó accion heroíca por tan levantado estilo. » Enriquez Gomez se trompe. Non-seulement Silveyra n’avait point cette véhémence de génie qui sait vaincre les plus grands obstacles, mais il était à peu près dépourvu de ce sentiment de l’héroïsme, sans lequel on ne crée point d’épopée. Quant au style, il est mauvais, affecté, faux ; et Enriquez Gomez, dont le goût n’était point irréprochable, et qui avait plus de verve que de bon sens, a pris le clinquant pour de l’or fin. Le plan du poëme est passable, de même que la conception ; mais un esprit méthodique ne suffit point pour enfanter un poëme viable. Silveyra se bat les flancs, peut-on dire, pour courir après l’originalité, et il ne rencontre que singularités et extravagances. Sans doute il y a çà et là quelques passages qui ne sont pas entièrement dépourvus d’intérêt ; on l’a dit depuis bien longtemps : il n’est si mauvais livre qui ne vaille par quelque endroit. Cela est vrai du poëme de Silveyra, mais il n’y a point de circonstances atténuantes qui puissent l’absoudre d’un péché capital et irrémissible en littérature. Le Machabée est une œuvre souverainement ennuyeuse et insipide, quoi qu’en ait dit cet excellent M. Amador de los Rios, qui se distingue parmi tous les critiques contemporains par une très-vive sympathie pour les auteurs médiocres et les œuvres mortes :

Qui Bavium non odit, amet tua carmina Mævi.