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leure, à Madrid, en 1735, même format. La notice et le jugement de l’éditeur méritent d’être lus. Perez a mis quantité de vers dans son roman, et ce qu’il faut signaler comme une particularité littéraire des plus curieuses, c’est que parmi ce déluge de vers, la plupart détestables, il s’en trouve un assez bon nombre dont le dernier mot est coupé ; de sorte que le sens se devine, d’après le commencement du mot et la rime qui n’est point indiquée. Ces vers singuliers sont sur le même patron que les quelques pièces poétiques qui précèdent le Don Quichotte. Comme cet ouvrage et la Picara Justina sont également de 1605, les commentateurs de Cervantes, Pellicer et Clemencin, ont recherché lequel des deux auteurs était l’inventeur de ces vers tronqués. Tout porte à croire que c’est à Cervantes qu’il faut rapporter le mérite, si mérite il y a, de cette innovation. En effet, quoique le privilége pour la publication de la première partie de Don Quichotte n’ait été délivré que le 9 de février 1605, on sait par la taxe qui fixe le prix du volume que l’impression était achevée dès le 20 décembre 1604. Par conséquent Cervantes a la priorité. On voit par la façon dont il parle de la Picara Justina, que Cervantes n’estimait guère plus l’auteur que l’ouvrage lui-même ; et il me semble que le second passage où il est question de cet auteur pseudonyme dont tout le monde savait le vrai nom, renferme une accusation assez nette de plagiat. Ce prétendu licencié Lopez de Ubeda n’était pas le seul ennemi de Cervantes dans l’ordre de Saint-Dominique : il suffit de rappeler les noms du Père Aliaga, confesseur de Philippe III et de Blanco de Paz, ce persécuteur implacable du grand inventeur. L’auteur de la Picara Justina ne se piquait guère de délicatesse. Il avoue que son roman fut composé pendant qu’il faisait ses