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arrêt de mort. Mais Ercilla fut implacable, et il se vengea de son chef en ne disant pas un mot de ses actions glorieuses. Le nom de Mendoza ne se trouve point dans les trois parties dont se compose le poëme. Cet oubli volontaire fut peut-être la principale cause des infortunes de Ercilla. Ce grand poëte traîna une vie misérable, et ne fut employé, malgré sa capacité reconnue, que dans des affaires de petite importance, n’occupa jamais que des positions secondaires. Il déplore lui-même, non sans amertume, dans les derniers vers de son poëme, son triste sort, et en homme désabusé, il annonce le dessein de se retirer du monde pour se consacrer tout entier aux exercices de piété. La maison de Mendoza était toute-puissante ; elle avait des auteurs et des poëtes à gages. Dans l’immense répertoire du théâtre espagnol, il y a une méchante pièce, spécialement composée en vue d’exalter, de glorifier les faits et gestes de celui qui n’obtint pas une simple mention d’Ercilla : « Algunas hazañas de las muchas de D. Garcia de Mendoza (1622). » L’auteur supposé de cette misérable production est Luis de Belmonte, bien que des indications suspectes en fassent honneur à la collaboration de trois auteurs dramatiques dont les noms sont restés : Guillen de Castro, Mira de Mescua et Luis Velez de Guevara. Le docteur Suarez de Figueroa a écrit de son côté un panégyrique en un volume pour honorer la mémoire du chef de l’expédition contre les Araucaniens : « Hechos de don Garcia Hurtado de Mendoza, marques de Cañete » (Madrid, 1613, in-4). On prétend, peut-être sans raison, que ce fut dans le même dessein que Pedro de Oña, poëte du Chili, écrivit son poëme intitulé : « Arauco domado. » Ercilla avait chanté la guerre ; Oña chanta la conquête. Son poëme, qui a dix-neuf