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l’âge de soixante-six ans (24 mai 1627). Sa maladie était singulière. En pleine possession de son intelligence, il avait perdu complètement la mémoire. — Sur le rôle de Góngora dans la poésie espagnole, tout a été dit. Cet homme singulier, d’un tempérament mélancolique et d’un caractère étrange, était né avec un beau génie poétique ; et ses premières productions comptent parmi les plus belles de la muse espagnole. Mais l’ambition et la pauvreté poussèrent Góngora hors du bon chemin, et tout d’un coup il se mit à écrire de façon à ne ressembler à aucun poëte contemporain. Il composa deux poëmes et quantité de sonnets en style métaphorique, ampoulé, hérissé de figures extravagantes et d’expressions monstrueuses ; et bientôt il fit école. Il réussit doutant mieux qu’il attaqua et maltraita également les vivants et les morts. Sa verve satirique ne fit grâce à aucun de ses rivaux ; et comme jamais poëte espagnol, sans en excepter Quevedo, ne mania si dextrement l’épigramme, il fut vainqueur dans ce combat à outrance qu’il livra à la raison et au bon goût. Ses disciples se hâtèrent de commenter les œuvres du maître : mais admirateurs aveugles de ses défauts, et croyant comprendre l’inintelligible, ils ajoutèrent encore à l’obscurité d’un langage poétique, dont l’étrangeté même suppose de prodigieuses ressources d’esprit et une puissante imagination. Góngora s’essaya dans presque tous les genres : il a fait même deux comédies assez médiocres. Ce qu’on estime le plus aujourd’hui, ce sont ses romances, ses chants d’amour, ses sonnets et deux ou trois odes, où respire le sentiment national. Parmi les nombreux commentateurs de Góngora il en est trois qui méritent d’être cités : José Pellicer, Salazar Mardones et Garcia de Salcedo Coronel. Les œuvres de Góngora restèrent en grande