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troit de Saint-Vincent. Le gouvernement de don Francisco de Borja dura six années. Il retourna en Espagne sans attendre son successeur, en 1622, quelques mois après la mort de Philippe III. On ne sait presque rien de cette période de sa vie. Il perdit sa femme en 1644, et ce fut probablement à la suite de ce triste événement qu’il songea à la retraite. Le reste de ses jours s’écoula dans la ville de Valence. Mort en 1658, âgé d’environ quatre-vingts ans. Outre les avantages de la naissance et de la fortune, le prince d’Esquilache eut un heureux tempérament et cet ensemble de qualités qui constituent un talent aimable. Son esprit se ressentait de l’urbanité de ses manières et de la distinction de sa personne aristocratique. Il n’abusa point de sa haute position pour se faire valoir, et ce n’est point sa modestie qui se fût arrangée de ce titre qu’on lui a donné de Prince des poëtes lyriques de l’Espagne : « Principe de los poetas liricos Castellanos. » C’est bien assez pour sa gloire qu’il ait tenu son rang, un rang très distingué parmi les plus célèbres poëtes d’une époque qui en produisit d’excellents. Il excellait dans la petite poésie, c’est-à-dire dans ces pièces de courte haleine qui valent surtout par la perfection de la forme. Celle du prince d’Esquilache était exquise. Mais cet homme d’un goût si délicat et d’un jugement très-exercé, voulut courir une carrière qui n’était pas la sienne, et fit la folie de composer un poëme épique. Il chanta la conquête de Naples par Alphonse V, roi d’Aragon, « Nápoles recuperada, » Saragosse, 1651, in-4. C’est une pâle et trop classique imitation de l’Énéide. On peut dire de ce poëme qu’il est mauvais à force d’art. L’auteur, en le composant, suivait de trop près les règles du genre, et usait sans discrétion de ses souvenirs classiques. Ce qu’il y a de mieux