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XXV

lui imposait de rudes obligations. Pressé par le besoin, dégoûté peut-être d’une vie sédentaire et monotone, poussé probablement par ce secret désir de gloire qui fait que les esprits d’élite cherchent le grand jour de la publicité et les occasions de se produire ; Cervantes quitta Esquivias pour Madrid, où l’appelaient d’ailleurs les souvenirs de ses premiers débuts et ses relations littéraires. Il travailla pour le théâtre.

En cela, il cédait à une passion impérieuse plutôt qu’à sa vocation véritable. Dès son enfance, il avait suivi avec enthousiasme les représentations du fameux Lope de Rueda, poëte dramatique très-original, et grand acteur dans ses propres pièces. Il débuta par une comédie de mœurs, el Trato de Argel. Dans cette pièce, l’intérêt manque et l’intrigue languit ; en revanche, on y trouve des situations heureuses et surtout des peintures animées.

La vivacité des souvenirs avait inspiré le poëte, qui racontait aux spectateurs ce qu’il avait vu et souffert lui-même. On eut pour la première fois une représentation fidèle de cette dure captivité, « où la pitié manque et où la cruauté abonde, » et une description exacte de cette ville d’Alger, si redoutée des chrétiens, et qui était réellement « un repaire de brigands, un nid de pirates et une caverne de voleurs. » La barbare cruauté des maîtres, leur avarice cupide et leur corruption, les souffrances des captifs, leurs faiblesses, leurs découragements, leurs vœux,