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dix ans, un jour après sa femme. Caporali était un bonhomme, tout entier à ses rêveries poétiques et absolument étranger aux choses de la vie pratique. D’une humeur douce et expansive, d’un commerce agréable, il était fort recherché pour sa conversation piquante. Sans être précisément un courtisan adroit, il réussissait très-bien à la cour. Il avait eu beaucoup de succès à celle de Florence : le grand-duc, son ancien patron, et la grande-duchesse, l’avaient en assez haute estime, et il reçut des preuves de leur généreuse protection. Cesare Caporali vécut dans la domesticité, comme on disait alors, ou dans la familiarité des plus hauts dignitaires de l’Église romaine ; il était admis notamment dans l’intimité du cardinal Sadolet. Mais il ne fut point ecclésiastique, et Ménage s’est trompé en l’affirmant. Il n’eut jamais d’autre profession que celle de plaire et de rimer en même temps. Ruiné de bonne heure par un de ses oncles, qui était son tuteur, il eut un instant le projet d’étudier la jurisprudence ; mais une grave maladie ayant interrompu ses études à peine commencées, il fit comme Ovide, et abandonna le droit civil et canonique pour la poésie. Il cultiva avec prédilection le genre burlesque, et s’y distingua de telle sorte qu’il est considéré comme un des plus brillants représentants de l’école poétique du Berni. Il aurait même la première place parmi ses émules, si son style rapide, clair et facile n’eût manqué quelque peu de cette élégance raffinée que l’on prise par-dessus tout en Italie. Pour ce qui est de l’invention, de l’esprit et du goût, Caporali était beaucoup mieux doué que les meilleurs poëtes de son école, et ses fictions aussi agréables qu’ingénieuses se font remarquer par une décence de ton à peu près inconnue parmi les disciples du Berni. La plupart de ses petits