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contres, et sa valeur éclata dans les grandes occasions. Sa conduite fut héroïque à Chypre, à Navarin, à Lépante. Dans cette mémorable bataille, il fut blessé de trois flèches ; ce fut peut-être dans cette journée si glorieuse pour les armes chrétiennes qu’il fit la connaissance de Cervantes, son compagnon d’armes. Artieda ne se distingua pas moins en Flandre, sous le commandement du célèbre duc de Parme : son courage avait quelque chose d’héroïque. Il traversa un jour l’Elbe à la nage, en présence de l’ennemi, son épée entre les dents. Enfin, il fut nommé capitaine d’infanterie, et à ce degré s’arrêta sa fortune de soldat. Artieda s’était marié à Valence ; il eut de sa femme, doña Catalina de Monave, trois filles et deux fils. L’aîné s’enrôla dans la compagnie de son père et mourut jeune, au service du duc d’Albuquerque, vice-roi d’Aragon (1605). Le cadet se fit moine et honora l’ordre de Saint-Dominique par ses talents de poëte et de prédicateur. Andrés Rey de Artieda jouit d’un repos bien mérité dans les dernières années de sa vie. Il mourut à Valence, âgé de soixante-quatre ans, le 16 novembre 1613, trois années seulement avant Cervantes, et fut enterré dans l’église paroissiale de Saint-Étienne. Andrés Rey de Artieda était un savant poëte plutôt qu’un grand poëte. D’un goût irréprochable, d’un solide bon sens, sans sa modestie exagérée il eût pu, comme on disait autrefois, régenter le Parnasse espagnol. Ses épîtres et ses satires sont d’un critique très au courant des vices monstrueux qui commençaient à gâter la poésie espagnole. Il n’était pas possible de tourner plus finement en ridicule les honteuses extravagances de l’école dramatique de Lope de Vega, qu’il l’a fait dans sa fameuse épître au marquis de Cuellar :