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désavouer son titre ; car, s’il est bon poëte, il sera digne de louanges, et s’il ne l’est point, il ne manquera pas d’admirateurs.

« Je veux encore que tout poëte puisse disposer de moi à son gré et de tout ce qu’il y a dans le ciel. J’entends qu’il puisse appliquer les rayons de ma chevelure aux cheveux de sa dame, faire de ses yeux deux soleils, ce qui fera trois en comptant le mien, de telle sorte que le monde s’en trouvera plus éclairé ; il usera à son gré des étoiles, des signes célestes et des planètes, de façon à la transformer tout doucement en sphère astronomique.

« Que tout poëte qui se croira tel, d’après ses vers, ait fort bonne opinion de lui-même, en se tenant au proverbe : « Celui-là est un pauvre sire qui se tient pour tel. »

« Ordre est donné à tout poëte qui se respecte de ne point assembler la foule dans les lieux publics pour réciter ses vers, car les bons vers doivent se dire dans les salons d’Athènes, et non sur les places publiques.

« De plus, on avertit particulièrement les poëtes qu’une mère de famille chargée de petits enfants remuants et pleurards les pourra menacer du croque-mitaine, en leur disant pour les effrayer : « Prenez garde, enfants, voici venir le poëte un tel, qui ne manquera pas de vous jeter, avec ses mauvais vers, dans l’abîme de Cabra ou dans le puits Airon. »

« Que les jours de jeûne, il soit bien entendu que le jeûne n’a point été rompu par