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de cette calamité. Je ne sais si c’est au bruit du combat ou à l’exhalaison des vapeurs qui s’élevaient du sol détrempé par le sang des ennemis, qu’il faut attribuer les maux de tête dont je suis si fort tourmenté, qu’en vérité, j’en deviens imbécile, et ne puis parvenir à écrire rien de bon ni de sensé. Par conséquent, si vous voyez là-bas quelques poëtes, voire des plus renommés, écrire des sottises ou des choses médiocres, ne les en estimez pas moins pour cela, et ne faites pas semblant de vous en apercevoir. Faut-il s’étonner qu’ils écrivent tout de travers lorsque moi, le père et l’inventeur de la poésie, je déraisonne et parais insensé ?

« Je vous adresse certains priviléges, règlements et avis concernant les poëtes. Veillez à ce qu’ils soient ponctuellement suivis et respectés au pied de la lettre. Je vous transmets, à cette fin, tous les pouvoirs requis en droit.

« Parmi les poëtes qui sont venus ici avec le seigneur Pancracio de Roncesvalles, quelques-uns se sont plaints de n’avoir pas été inscrits sur la liste de ceux que Mercure alla chercher en Espagne, de sorte que vous ne les avez pas introduits dans votre voyage. Je leur répondis que c’était ma faute et non la vôtre ; et que d’ailleurs le remède du mal, dont ils se plaignaient, était en leur pouvoir. Faites-vous, leur ai-je dit, un nom par vos œuvres, et vos œuvres vous donneront d’elles-mêmes réputation et célébrité, sans que vous soyez obligés d’aller mendier des louanges.